Tout le monde à Rochecorbon connait le monument aux morts, celui implanté face à l’église et proche de la mairie. Sur ses faces sont gravés les noms des rochecorbonnais morts au combat au cours des deux guerres mondiales et une plaque rappelle ceux d’Afrique du Nord.

Mais qui connait le monument érigé pour commémorer les victimes de la guerre de 1870 ? Allez, je tente : personne. Et pourtant ce discret monument existe bien, beaucoup l’ont vu sans en savoir la raison.

Il est installé dans le haut du cimetière de Rochecorbon, tout en haut de l’allée centrale.

Ce monument commémoratif est bien discret : sur sa façade ne sont gravés que le nom du maire Henri Salmon et de son adjoint Alfred Stauffer, ceux qui sont à l’origine de la création de ce cimetière en 1895. En effet depuis de nombreuses années il était demandé de déplacer les cimetières à l’extérieur des bourgs, et ce n’est qu’en cette fin de XIXe siècle qu’un terrain fut trouvé à Rochecorbon.

On pourrait imaginer que ce monument fut érigé pour les remercier de la création du cimetière. Nulle trace écrite dans les Archives communales n’explique la raison de ce monument construit par l’architecte Lorion de Tours. Certainement nos prédécesseurs en étaient restés là faute d’information.

Pourtant deux indices emportent notre conviction.

1) sur ce monument surmonté d’un calvaire (croix avec un christ crucifié), un motif sculpté donne un premier indice:

Le motif au premier plan est une lampe à huile, symbole de la mort avec la flamme symbolisant l’âme (si on est croyant) ou l’esprit (pour les autres) qui s’échappe du corps, la lampe (le corps) restant sur terre. Par ce motif il s’agit bien d’honorer les morts. Mais au second plan figure une grande palme qui est le symbole de l’honneur, du champ d’honneur. L’ensemble commémore donc les morts au champ d’honneur, à la guerre. Cet ensemble est assez classique sur les monuments aux morts.

2) De quelle guerre pourrait-il s’agit ? Nous en somme en 1895, le seul souvenir récent serait celui de la guerre franco-allemande de 1870. Et grâce à un plan du cimetière, établi par l’architecte Lorion le 9 novembre 1895, tout doute est levé :

dont on peut grossir la partie haute :

En conclusion : il est effectivement bien question d’un monument commémoratif de la guerre de 1870. Il ne porte mention d’aucun nom. Quels sont ces jeunes soldats morts ? À ce jour difficile de le dire. Sur le registre d’état-civil de Rochecorbon, figurent bien deux personnes décédées : ce sont deux soldats morts dans le petit hôpital qui avait été installé dans la classe de l’école (on appelait ces petits hôpitaux près du front de bataille des ambulances), étrangers à la commune. À ce jour le seul connu est René Chevigné soldat du 71e Régiment d’infanterie de ligne, né le 16 octobre 1850 à Rochecorbon et décédé le 11 janvier 1871 à 15h dans l’ambulance militaire de la caserne n°2 de Cherbourg. Il était le fils d’un vigneron installé dans la Vallée Poêlons.

Un seul mort ? Si c’est vrai, c’était effectivement peu pour l’indiquer… Quoiqu’il en soit, nous connaissons maintenant ce deuxième monument aux morts, ses constructeurs et au moins un Rochecorbonnais victime de cette guerre franco-allemande.