Quand la paroisse de Rochecorbon évoquait en 1815 le 49-3 pour faire passer son budget !

Nous sommes dans les années 1810. La Révolution française avait profondément impacté l’Eglise de France en vendant tous ses biens non directement liés au culte (les biens des nobles furent épargnés), en supprimant les paroisses (recréées peu après, une par canton, l’église de Rochecorbon n’étant plus qu’une « succursale » de celle de Vouvray selon les termes de l’époque), en chassant les prêtres réfractaires (réfractaires au serment qui plaçait les lois de la République au-dessus de celles de l’Eglise), en pillant le mobilier des églises…

Avec le Concordat signé en 1801 entre Napoléon Bonaparte et le pape Pie VII la situation commençait à se calmer et se normaliser. En quelques années des prêtres étaient nommés dans toutes les églises, les églises étaient rendues aux paroisses dont le budget était administré par une structure appelée la « Fabrique ».

Très rapidement la Fabrique de Rochecorbon fut dans l’impossibilité de soutenir toutes les dépenses : il fallait en effet remeubler l’église, refournir au prêtre tout le matériel nécessaire au culte et l’habillement, et surtout assurer tous les gros travaux dans l’église qui avait été délaissée pendant une vingtaine d’années.

Pour s’en sortir la Fabrique de Rochecorbon dut alors plusieurs fois s’appuyer sur le décret impérial du 30 décembre 1809 portant notamment dans son article 49 de la section 3 :

Lorsque les recettes inscrites au budget sont insuffisantes pour engager les dépenses prévues à l’article 37, il est procédé conformément aux dispositions du chapitre IV du présent décret.

le chapitre IV précisant :

En cas d’insuffisance des ressources de la fabrique, les communes pourvoient, dans les conditions prévues aux articles 93 et 94, aux charges mentionnées à l’article 37.

En clair, lorsque les revenus de la Fabrique de la paroisse (quêtes, location de bancs et de chaises dans l’église, dons) ne suffisaient pas pour l’entretien et les dépenses indispensables, c’était à la commune de compléter le budget. Ceci posait souvent de réelles difficultés car la commune elle-même avait de lourdes charges à supporter pour ses faibles revenus. Elle pouvait alors être autorisée par le Préfet à augmenter les impôts locaux pour trouver les ressources nécessaires, mais bien souvent les dépenses étaient retardées, parfois repoussées d’année en année.

Les années 1810 furent donc difficiles, et le registre des délibérations de la Fabrique de Rochecorbon nous montre à plusieurs reprises que pour faire passer son budget et solliciter un complément financier à la commune elle recourait à ce fameux article 49 de la section 3 comme par exemple le 1er avril 1812 :

ou le 1er mai 1815 :

Ces faits d’il y a deux siècles nous font écho avec les actuelles et difficiles discussions budgétaires à l’Assemblée nationale où le Gouvernement pour faire passer ses budgets évoque l’article 49.3 de la Constitution engageant sa responsabilité pouvant conduire à son renversement si une motion de censure était votée. Il y a 200 ans, c’est la paroisse qui invoquait l’article 49 de la section 3…

Nos remerciements à Don Monfort, curé de Rochecorbon, qui nous a permis l’accès aux archives paroissiales qu’on estimait, à tort, perdues…


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