« 27 octobre 1848 : 10 francs pour la soutane du serpent de Rochecorbon »

C’est une ligne que l’on peut lire dans les comptes de l’église de Rochecorbon:

« octobre 27 [1848] – Donné pour une soutane pour le serpent 10 [francs] »

C’est cette information étonnante que le PHARE vous propose d’expliciter car la question interroge. Comme vous le savez, notre association publie des textes historiques intéressants et sérieux, et aussi des choses plus anecdotiques, amusantes, étonnantes mais toujours instructives :
Quand la paroisse de Rochecorbon évoquait en 1815 le 49-3 pour faire passer son budget !
Le second monument aux morts de Rochecorbon
1684 : un mariage amusant à Saint-Georges

Cette fois, il s’agit d’un serpent dans l’église de Rochecorbon… Passons aux explications…

Nota : il nous faut tout d’abord remercier Don Monfort, le prêtre de Rochecorbon, qui nous a permis d’accéder aux archives anciennes de la paroisse de Rochecorbon. Deux registres couvrent la période 1803-1850. Malheureusement les archives s’arrêtent en 1850, les suivantes ont disparu ! Si une bonne âme sait où elles sont cachées, contactez-nous phare.rochecorbon@gmail.com, le plaisir de les retrouver nous fera oublier les circonstances de leur égarement.

L’histoire d’un serpent dans la religion catholique est aussi ancienne que la Bible : il poussa Adam et Eve à commettre l’irréparable qui les fit chasser du jardin d’Eden.

Le serpent de la Bible vu par le dessinateur Effel.

Bien sûr, on a également connu des saints qui pourchassèrent le serpent, et en tout premier lieu pour les Rochecorbonnais le célèbre saint Georges :

Icône représentant le saint Georges sauroctone (tueur de serpent), visible actuellement dans La Chapelle Saint-Georges, icône disposé par l’Eglise orthodoxe qui y officie. Plus tard le serpent de saint Georges se transforma en dragon.

Nota : en français lorsqu’on évoque un saint, ce mot est écrit en minuscule et il n’y a pas de tiret : « la vie de saint Martin », « les exploits de saint Georges ». Par contre si l’on cite un lieu, une fête, un bâtiment, une commune… c’est avec une majuscule à Saint et un trait d’union : « la chapelle Saint-Georges », « à la fête de Saint-Michel ».

Bien sûr, le serpent de l’église de Rochecorbon à qui l’on fournit une soutane, ce n’est pas tout à fait un reptile : c’est le nom d’un instrument de musique longtemps utilisé pour accompagner les messes, et, par extension, le nom de celui en jouait.

Dans les années 1830 le serpent de l’église de Rochecorbon se nommait Virgile Pouan, il était un jeune maçon. Lorsqu’il décéda en 1843 à peine âgé de 31 ans, c’est le vigneron Gatien Brédif qui prit la suite et qui se fit offrir une soutane en 1848 : il n’utilisa plus le serpent mais un autre instrument que son prédécesseur avait découvert en 1837, un ophicléide ! Wikipedia nous apprend que ce nouvel instrument servit dans les églises de 1820 à 1880, à Rochecorbon ce fut de 1837 à 1889.

Dans les années 1850 c’est Joseph Pouan, le fils de Virgile, qui reprit brièvement le serpent avant d’adopter définitivement l’ophicléide. C’est sans doute lui qui fut le dernier joueur de l’église : en effet dès 1851 un orgue avait fait son apparition dans l’église, apporté depuis La Bellangerie où il avait été récupéré. Moyennant quelques frais d’installation (notamment le menuisier qui fut payé 600 francs en matériel et main d’œuvre, le salaire mensuel d’un menuiser à cette époque étant d’environ 100 francs par mois), l’orgue s’imposa petit à petit.

Le serpent de Rochecorbon a donc disparu vers 1850. Peut-être un jour entendrons-nous à nouveau un serpent ou un ophicléide dans l’église…

Pour en savoir un petit peu plus sur le serpent et notamment sa soutane : Youtube (11 minutes, regardez au moins les 2 minutes du début et l’histoire amusante des serpents qui portaient la soutane)
Pour en savoir plus et découvrir le serpenteau (pour enfant) et l’ophicléide: Youtube (6 minutes)


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