À Rochecorbon nous avons deux anciens moulins à eau qui nous sont bien connus. Mais qui sait qu’il y avait également eu deux moulins à vent ?
Maintenant nous connaissons bien les deux moulins à eau du territoire de Rochecorbon :
- le fameux moulin de Touvoie ô combien connu. Voir l’article sur les cartes postales, celui sur le tournage par Cocteau de la Belle et la Bête et les souvenirs rochecorbonnais de ce tournage.
- le moulin de Gravotte, un peu moins connu mais déjà abordé dans deux de nos articles sur sa transformation en production d’électricité ou son utilité.
Mais il y avait aussi deux moulins à vent, dont nous ne savions pratiquement rien si ce n’est un lieu-dit au nord de la commune appelé « Moulin à vent ».
En Touraine les moulins à vent étaient moins nombreux que ceux à eau, il suffit pour s’en rendre compte de parcourir les archives et les publications pour n’en trouver que quelques rares mentions. C’est que la Coutume de Touraine (le droit) imposait les moulins à eau. On peut ainsi lire dans Le droit général de la France et le Droit particulier à la Touraine et au Lodunois, écrit par Cottereau fils en 1788 :
Exercice du droit banal (obligation d’aller moudre les céréales au moulin du seigneur) :
Le Moulin doit être à eau, non à vent. Si le Moulin à eau n’est pas suffisant, le seigneur peut le fortifier par un Moulin à vent (article 14161).
Conditions de fonctionnement permanent :
Pour que le droit de contraindre ait lieu, il faut que le Moulin ait eau & que l’eau soit perpétuelle (article 14156). Lorsque le Moulin manque d’eau, on n’est pas obligé d’aller au Moulin du suzerain (article 14160).
Qui doit obligatoirement aller au moulin ? Tous ceux qui habitent dans la lieue du moulin :
La distance se mesure à prendre du vaisseau (trémie) où tombe la farine sortant de dessous la meule jusqu’à la porte de la demeure du Sujet, en allant par le chemin le plus fréquenté, quoiqu’il ne soit pas en ligne droite (article 1450).
La distance est d’une lieue, soit
2000 pas de 5 pieds, c’est-à-dire 1666 toises 4 pieds. La lieue ordinaire est de 2000 toises (article 14149)
ce qui fait un peu plus de 3 kilomètres. Mais :
on observe qu’à Amboise, Château-Regnault & Rochecorbon les Bannalités s’étendent au-delà de la lieue, dans toute la seigneurie, par une possession immémoriale (article 14155).
Les deux châtellenies de Rochecorbon avaient un moulin à eau : le moulin de Gravotte pour le seigneur de Rochecorbon (château-fort), le moulin de Touvoie pour la châtellenie du Crochet (église). Ce dernier moulin fut donc renforcé par un double moulin à vent.
Localisation des moulins.
Le cadastre napoléonien de 1819 nous les situe au nord de Rochecorbon, sur la route de Monnaie et plus précisément le long d’un petit chemin partant vers Reugny qui n’existe plus aujourd’hui. Le lieu s’appelait le Carroi (carrefour) du Pau-de-Monnaie, parfois écrit Pot-de-Monnaie, l’emplacement du moulin était connu sous le nom Les Grigaudières.
On voit le moulin principal (n°99), un plus petit à côté (n°99bis) et un bâtiment (n°99ter).
Une carte actuelle permet de constater que le chemin (tracé en pointillés rouges) n’existe plus, supprimé vers 1974,
ni les moulins, ni le bâtiment d’habitation. En 1872 cette maison subsistait encore puisqu’on la retrouvait dans le recensement de population : c’est un couple qui n’est pas originaire de Rochecorbon qui y loge. Lui est maréchal(-ferrand) originaire de Blois, elle de Chanceaux(-sur-Choisille). Ils n’ont pas d’enfants. On ne les retrouve plus au recensement suivant en 1876. Ce sont les derniers occupants des lieux.
Que reste-t-il aujourd’hui ?
Rien ! Ou à peine quelques traces ! Sur cette photographie aérienne (Bing) on devine sous le champ le tracé de l’ancien chemin abandonné.
et sur cette autre (Geoportail) on aperçoit l’emplacement d’une construction, à gauche du chiffre 8.
Comment était ce moulin ?
Il n’existe pas, à notre connaissance, de représentations de ces moulins. Le plus imposant aurait pu intéresser les peintres et dessinateurs, mais rien ne nous est parvenu. Pour autant, avons-nous une idée de sa forme ? Oui ! Dans un acte notarial de 1820 il est précisé qu’il s’agit d’un moulin cavier. C’est un moulin typique de l’Anjou, pour lequel la partie basse du moulin est recouverte de terre.
En voici une description détaillée ( voir ici l’image en très grande taille).
On y voit bien que les meules sont dans une partie semi-enterrée, « en cave », le moulin semble posé sur une petite butte de terre qui la recouvre. C’est ce qu’on peut vérifier sur une carte topographique publiée en 1882, mais certainement plus ancienne, sur laquelle on voit que le moulin principal était construit sur une petite surélévation.
Si vous voulez voir un des derniers moulins caviers d’Indre-et-Loire, allez à Bourgueil admirer le moulin bleu, vous ne pourrez pas le manquer en haut du coteau !
Nota : Bourgueil était en Anjou. Lors de la création des départements après la Révolution française il fut rattaché à l’Indre-et-Loire.
Claude Mettavant