
C’est un sujet couramment abordé par les visiteurs (et les habitants) de notre commune. Il faut tout d’abord éclaircir la difficulté du vocabulaire : l’habitation creusée dans le rocher s’appelle une habitation troglodytique, la population locale dira plus volontiers « un troglo », et le troglodyte est l’habitant de ce logement. Les questions suivantes concernent le mode de vie, la salubrité du logement, etc.
Pour appréhender ces habitations troglodytiques, nous vous proposons ce document de 1851 écrit par un américain de Philadelphie : beaucoup de nos compatriotes vont encore découvrir l’Amérique, et bien regardons ce qu’un Américain découvrait de notre contrée au milieu du XIXe siècle.
Le texte en anglais est consultable sur https://archive.org/details/sim_friends-intelligencer_1851-03-29_8_1/page/6/mode/2up, nous vous en proposons ici une traduction qui, l’espérons-nous, sera aussi fidèle que possible :
VILLAGES TROGLODYTES EN FRANCE.
Sur les rives de la Loire, près de Tours, en France, il y a des villages creusés dans la roche, et où les gens vivent, bien que dans des grottes, dans un confort et un contentement relatifs. Là où le fleuve se contracte, les berges sont formées de falaises calcaires abruptes, entrecoupées de taches vertes de prairies, de bois et de vignobles.
La roche se travaille facilement, et est ainsi creusée pour former des habitations. Dans de nombreux cas, les maisons ont plusieurs étages, avec des fenêtres et des cheminées taillées dans le calcaire dont l’orifice extérieur apparaît comme une petite tache noire, enfouie comme dans des grappes de plantes grimpantes qui s’accrochent à chaque crevasse et à chaque saillie de terre où un motte de terre s’est logée.
Il existe un certain nombre de villages de ce type ; La Roche Corbon (Rochecorbon !!! c’est Balzac qui avait popularisé cette orthographe fantaisiste), à environ deux kilomètres de Tours, en est un très intéressant. Les maisons troglodytiques frappent d’abord l’étranger par l’apparence des fenêtres vitrées placées dans ce qui semble être la roche solide.

Au début, cependant, cette solution semble avoir été utilisée principalement dans le but de fournir des caves et des greniers à foin pour la longue rangée de villas blanches, qui s’étendent sur trois milles à partir de Tours, parsemant la déclivité abrupte de la rive, et donnant sur des jardins d’une fertilité apparemment illimitée.
Ce n’est qu’en regardant de plus près que l’on peut voir les hauts murs qui les entourent, les masses de vignes en festons, les forêts de chèvrefeuille, de lierre et d’arbres fruitiers dressés, qui les habillent de manteaux verts, et qui dissimulent complètement la maçonnerie brute.
La route principale se trouve au-dessus de la grande digue construite pour maintenir la « Loire rebelle » dans les limites fixées. Des prairies, basses et marécageuses, souvent envahies par les eaux, s’étendent entre la route et le lit du fleuve, tandis qu’ici et là, là où le terrain s’élève en collines depuis le bord de l’eau, il est couvert de forêts de noyers (pour faire de l’huile de noix).
Dans la rue principale de La Roche Corbon, on peut voir les maisons du bas construites en pierres brutes adossées au rocher, tandis que celles du haut sont creusées dans le rocher, auxquelles on accède par des marches taillées dans celui-ci. Toute la face du rocher est creusée en pièces allongées en cellules, et les fenêtres sont placées ici et là, sans aucune régularité. Les galeries et les escaliers extérieurs courent de rebord en rebord et les gens apparaissent à présent à un trou noir dans la paroi, et disparaissent ensuite dans un autre.

Les murs et toutes les parties sont festonnés de vignes, de fleurs et de plantes de jardin. Chaque plateau de terrain, même s’il n’a qu’un mètre carré, est assidûment cultivé, et chaque rebord, chaque coin et chaque recoin de chaque crevasse et de chaque charmant ravin est transformé en terrain de jardin, entouré de clôtures de pierre brute et recouvert de vigne.
Toutes les maisons sont entretenues très proprement ; la forte pente du coteau empêche l’accumulation de saletés liquides et, en général, les maisons sont toutes soigneusement meublées. Les pièces arrière, mal ventilées et sombres, sont principalement utilisées comme débarras et caves. Ces maisons sont généralement saines ; elles sont sèches et parfaitement exemptes d’humidité.
Les habitants sont de petits propriétaires qui possèdent des parcelles de vignes sur la colline, avec des parcelles de céréales, de pâturages et de bois, qui s’enfoncent dans certaines des vallées qui descendent ici et là transversalement à la rivière (les vallons de Saint-Georges, Vauvert, La Vallée-Coquette, auxquels on peut ajouter les vallons donnant dans la vallée de Rochecorbon : Vaufoynard, Les Pélus.)
Les femmes s’emploient à tirer le fil du cocon du ver à soie pour les fabricants de Tours, mais leur salaire est si faible qu’elles n’utilisent jamais de bougies, dans la mesure où, en plus de s’occuper de leurs tâches ménagères, elles peuvent gagner environ 7 centimes par jour ; c’est beaucoup mieux, tout bien considéré, que ce que peuvent faire de nombreuses couturières, que ce soit à Londres ou à New York.

On fait beaucoup de vin, et les hommes peuvent presque tous faire quelque chose comme tonneliers. La roche calcaire, comme un inconvénient à de nombreux avantages, a tendance à s’effriter, et parfois un fragment tombe de son emplacement ; mais, en tenant compte de toutes les choses, les gens vivent confortablement, et peut-être plus curieusement que tout autre dans le monde.