René Bouillot n’est plus

Les amis du Phare connaissaient René Bouillot : notre association lui avait dédié fin 2015 un livret. René vient de nous quitter. Ses obsèques auront lieu ce vendredi 10 novembre 2017 à 15h en l’église de Rochecorbon.

Au nom du Phare, de ses adhérents et en mon nom propre je tiens à adresser à sa famille nos condoléances émues.

Comment j’ai connu René Bouillot

J’ai quitté ma Champagne-Ardenne natale il y a un peu plus de 10 ans pour m’installer à Rochecorbon. Souhaitant connaître son histoire dont chaque rue, chaque maison, chaque monument semblait vouloir nous témoigner. C’est à l’occasion d’un marché … en Haute-Savoie que je découvrais la première carte postale ancienne des lieux, une carte représentant l’église.

Et puis rapidement d’autres vinrent. Mi 2010 je me promenais alors avec mon épouse dans le village avec ces cartes à la main afin d’en retrouver la vision actuelle. Parfois nous avons dû longuement chercher, telle la carte de la « Rue Neuve » aujourd’hui « Rue du Moulin ». Mais je calais sur une carte montrant le « Café Gaston ». Alors que nous passions rue Lebled nous vîmes un petit monsieur qui venait de la traverser : il pouvait être un ancien de la commune, nous avions une chance qu’il nous guide.

On lui présenta la carte : « ah ben oui, je connais bien. Quand j’étais plus jeune j’y suis allé souvent, je me rappelle même…. » et les souvenirs s’enchaînaient. Vous l’avez compris, c’était René Bouillot. Et oserais-je avouer que je n’ai rien retenu des ses explications, tant les noms de lieux et de personnes qu’il énumérait m’étaient alors inconnus, étrangers.

Tout le monde pouvait croiser René chaque matin, lorsqu’il allait chercher son pain ou ses provisions. Il aimait aussi à se promener dans cette rue Lebled qui était « son Rochecorbon », celui où il était né, où avait vécu sa famille, où tous ses souvenirs étaient fixés.

Son carnet de guerre

Rechercher l’histoire ancienne de Rochecorbon, nous savons comment faire : relire les livres publiés, aller aux Archives départementales, fouiller sur internet. Mais dans nos échanges entre les membres du Phare nous avons pris conscience de la disparition de l’histoire récente avec le départ de nos anciens.

C’est à l’occasion d’une exposition faite avec l’école que nous revint en souvenir le « carnet de Monsieur Bouillot » : durant la dernière guerre le tout jeune René (il avait 14 ans en 1939) avait tenu un petit carnet retraçant les événements vécus, notamment  les bombardements qu’il consignait avec soins, n’hésitant pas à monter sur le coteau près de la Lanterne pour mieux voir les formations aériennes, les lieux bombardés et l’évaluation des dégâts.

Ce carnet et sa mémoire ne devaient pas disparaître. Je lui proposais fin 2014 de publier tout cela. Tout surpris qu’on puisse encore s’intéresser à « sa petite personne » comme il disait alors, il accepta avec plaisir. Nous nous sommes rencontrés six fois en un an : j’avais numérisé le carnet, je venais avec les interrogations que ses écrits soulevaient. D’entrevue en entrevue, nous parcourions sa famille, son histoire. Encouragé par sa fille il ouvrit son album de photographies.

Mais je le sentais petit à petit se fatiguer : si nos premières rencontres duraient plus d’une heure et demie, la dernière ne put excéder la vingtaine de minutes. Évoquer des souvenirs plus ou moins agréables, la disparition de ses proches (sa fille aînée, son épouse), cela commençait à lui peser.

Je décidai d’en arrêter là. J’avais ce qu’il fallait pour un livret concernant la guerre 1939-1945, mais j’aurais tant aimé parler avec lui de ses engagements dans la vie de la commune, sa présidence de la société de musique, son mandat de conseiller municipal.

 

Bouillot
Le vigneron René Bouillot dans la rue Lebled, « sa rue Lebled », en face de sa maison.

Il ne se sentait plus dans ce monde qui s’accélérait, qu’il n’arrivait plus à suivre, qu’il n’avait plus envie de suivre. Sa vie s’était réduite à la rue Lebled, de l’entrée du village jusqu’à la mairie, et la vue de la vallée, de « sa vallée ».

Il nous a quitté ce lundi 6 novembre, deux mois après son 92e anniversaire.

Claude Mettavant


2 réflexions sur “René Bouillot n’est plus

  1. Bj merci pour avoir retracé son parcours, sa vie plein de méandres pas toujours facile , mais un père discret , humble et attaché a ses racines .Sa fille

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  2. Je n’ai jamais eu connaissance de cet article, ma soeur y a fait référence ce matin et j’ai eu envie, besoin aussi peut-être, de le parcourir. Mon grand-père etait un homme passionnant et je ne me lassait jamais de l’entendre nous raconter l’histoire de ses caves, l’histoire de ses vignes, l’histoire de sa si chère Vallée de Rochecorbon. Son si grand talent de conteur, d’orateur, captivait, plus envoutait les spectateurs attentifs. Sa voix résonne encore parfois a mes oreilles, à l’instant où je vous écris les larmes me montent aux yeux. Merci d’avoir retracé un pan de sa vie, ce livre fait désormais partie de notre héritage familial. Stéphanie, une de ses petites filles.

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