La chapelle St Georges, sise sur la commune de Rochecorbon est un condensé de trésors exceptionnels réuni dans un espace si réduit; d’ailleurs cette chapelle fut pendant des siècles l’église de la paroisse de St Georges, elle desservait des maisons seigneuriales de première importance, qui, continuellement l’enrichirent, la dotèrent de somptueux cadeaux… Mais cette paroisse ne résista pas à la révolution française, la noblesse avait été destituée, les biens de l’église saisis et vendus; on décida de fusionner st Georges avec la commune de Rochecorbon; l’église paroissiale perdait sa raison d’être; elle tomba dans l’oubli et devint « chapelle ».
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La chapelle St Georges, ancienne église paroissiale |
On la redécouvrit vers 1990 lorsqu’on réalisa qu’elle possédait des fresques du XIe ou XIIe siècle, des peintures du XIIIe et récemment une charpente de 1028, c’est à dire la plus ancienne charpente romane de France! N’oublions pas une tête de Saint polychrome du XIIIe.
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Fresque (XIe) et peinture murale (XIIIe) |
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Prélèvements dans la charpente en 2013 par Frédéric Epaud, expert en dendrochronologie, pour établir sa datation; résultats année 1028 ! |
Le vitrail du Chœur
Mais nous nous intéresserons ici, principalement au vitrail du chœur; c’est un petit vitrail éclairant cette partie de la chapelle. Il est du XIIIe siècle et fut probablement installé lors de la rénovation de la voûte voisine. La première remarque et le fait exceptionnel de trouver un vitrail de cette période dans une chapelle qui nous parait aujourd’hui bien modeste. Il a fallu des donateurs riches pour financer une telle opération; ces donateurs ne sont pas les moines de Marmoutier, l’église ne leur appartient pas, elle dépend de l’évêché de Tours, et les travaux qui y sont réalisés sont payés par les paroissiens du lieu et les revenus de la fabrique. La haute position sociale d’une frange de la population de St Georges explique la richesse de cet investissement. Il était d’usage de faire régulièrement des dons à l’église pour mériter son salut après sa mort, En échange le curé du lieu s’engageait à prononcer régulièrement des messes pour le repos des donateurs.
Ce vitrail est classé Monument historique.
S’il parait en bon état, c’est grâce aux différentes restaurations qui furent entreprises. Elles ne furent pas toujours « heureuses »: en juillet 1890, le verrier J.Fournier, se permit, lors d’une remise en état, d’apposer sa signature en bas à droite!

Ce vitrail se découpe en deux parties.
Le registre inférieur
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le registre inférieur |
Sa signification est connue
À droite un personnage couronné, représentant Melchisédek, Ce nom signifie « roi de justice ». Il était roi de Salem (qu’on traduit par « paix », et future Jérusalem) et grand prêtre, « sacrificateur du Dieu Très-Haut. »
En face de lui Abraham, venant lui offrir la dîme, c’est à dire le dixième des dépouilles prises à ses ennemis.
La tradition voit dans cette présence de Melchisédek une annonce de la venue de Christ, mais aussi l’importance de la prêtrise dans la société, Abraham se soumet aux représentants de Dieu sur terre, c’est à dire à ses prêtres.
Le message pour les chrétiens du XIIe est clair, leur rappelant leur besoin de soumission à l’église catholique pour intercéder auprès de Dieu.
l’énigme du registre supérieur.
Ce registre est considéré aujourd’hui comme une énigme; il n’est pas interdit de le décrypter et de lui donner une signification; c’est ce que nous allons chercher à faire.
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le registre supérieur |
On y découvre deux personnages.
L’un est couronné, assis sur une banquette; il tient dans sa main gauche quelque chose pouvant représenter un sceptre, de sa main droite il se frappe la poitrine en signe de contrition; sur la droite, assis peut être sur des nuées, un ange tenant un drôle de bouquet entre ses mains; le bouquet à trois branches, l’ange semble le tendre au roi.
Explication possible.
Ce tableau décrit une scène racontée dans le second livre du prophète Samuel dans son chapitre 24:
David voulu mesurer sa puissance et ordonna que soit entrepris un recensement des hommes en état de combattre. C’était un défi par rapport à son Dieu, dans la mesure où la puissance de David ne reposait pas sur le nombre de ses guerriers, mais sur la protection de Yahweh: c’était donc une offense par rapport à son Dieu. Ce dernier devait le punir de son péché.
Samuel raconte:
Joab donna au roi DAVID le résultat du recensement : Israël comptait huit cent mille hommes capables de combattre, et Juda cinq cent mille hommes. Mais, lorsque David eut recensé le peuple, le coeur lui battit, et il dit au Seigneur : « Ce que je viens de faire est un grand péché ! Seigneur, pardonne cette faute à ton serviteur, car je me suis conduit comme un véritable insensé. »
Le lendemain matin, quand David se leva, la parole du Seigneur avait été adressée à Gad, le prophète attaché à David : « Va dire à David : Ainsi parle le Seigneur : Je vais te présenter trois châtiments ; tu en choisiras un, et je te l’infligerai. » Gad se rendit chez David et lui transmit ce message : « Préfères-tu qu’il y ait la famine dans ton royaume pendant trois ans ? Ou préfères-tu être poursuivi par tes ennemis et fuir devant eux pendant trois mois ? Ou préfères-tu qu’il y ait la peste dans ton royaume pendant trois jours ? Réfléchis donc, et choisis ce que je dois répondre à celui qui m’envoie. » David dit au prophète : « Je suis dans une grande angoisse… Eh bien ! je préfère tomber entre les mains du Seigneur, car sa tendresse est inépuisable, mais surtout, que je ne tombe pas entre les mains des hommes ! » David choisit donc la peste, et le Seigneur envoya la peste en Israël dès le lendemain jusqu’à la fin des trois jours. Depuis Dane jusqu’à Bershéba, il mourut soixante-dix mille hommes.
L’ange exterminateur étendit la main vers Jérusalem, mais le Seigneur renonça au châtiment, et il dit à l’ange exterminateur : « Assez ! Maintenant, retire ta main. » Car David, en voyant l’ange frapper le peuple, avait dit au Seigneur : « C’est moi qui ai péché, c’est moi le coupable ; mais ceux-ci, le troupeau, qu’ont-ils fait ? Tourne donc ta main contre moi et ma famille ! «
Donc le vitrail représente le roi David exprimant sa contrition devant l’ange exterminateur. Ce dernier tient dans ses mains les trois fléaux proposés en punition du péché du roi. Il n’est pas assis sur des nuées comme il avait été suggéré mais probablement sur le mont Moriah, qui plus d’une montagne était une colline que David acheta, et c’est là que son fils Salomon construisit le temple du Très-Haut, le temple de Salomon dont ne reste aujourd’hui que le mur des Lamentations. (remarque Claude Mettavant). Les thèmes exprimés par ce vitrail ne sont pas en rupture avec les autres sujets abordés par les peintures de l’église; comme nous l’aborderons dans une autre rubrique, il est probable que la peinture présentant des scènes de bataille se rapporte à la première croisade dont la prise d’Antioche par les croisés, prise précédant, en 1099, la prise de Jérusalem par Godefroid de Bouillon
Quel message cherche à faire passer ce vitrail ? car tout vitrail, peinture ou fresques sont réalisés pour l’éducation des fidèles. Cet épisode est retenu pour montrer la mansuétude de Dieu vis à vis des pécheurs repentants.
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