Maurice Pelloutier, syndicaliste anarchiste et poète

Dans le monde syndicaliste et l’histoire du monde ouvrier des deux frères Pelloutier c’est Fernand qui est le plus connu. Pour autant son frère Maurice n’a pas démérité car il a toujours été de toutes ses luttes, il a souvent co-écrit ses articles et ses livres. Et lorsque Fernand disparaîtra, à 33 ans après une courte mais riche vie, c’est Maurice qui rédigera sa biographie « Fernand Pelloutier, sa vie, son œuvre » qui reste aujourd’hui un document de référence dans son domaine.

 

Un des nombreux écrits des deux frères Pelloutier, posant la base de l’action syndicaliste.

 

Bien évidemment, si Maurice Pelloutier apparaît sur ce blog, c’est qu’il est passé à Rochecorbon, d’environ 1921 à 1940, suffisamment longtemps pour y avoir édité deux livres de poèmes en vers.

Sa vie

Maurice Saint-Ange Léonce Pelloutier nait le 2 juin 1870 au 81 de la rue de Courcelles, Paris 17e. Il avait un grand frère, Ferdinand Léonce Émile né en 1867 qui deviendra le grand syndicaliste, et il aura en 1872 une petite sœur Jeanne Amélie Suzanne.

 

Acte de naissance de Maurice Pelloutier.

 

Son père, Léonce Adrien saint-Ange Pelloutier est employé des Postes et Télégraphes, sa mère Marie Amélie Couillaud est sans profession, femme au foyer. Dix ans plus tard la carrière du père conduira la famille à déménager à Saint-Nazaire, un retour sur les terres d’origine des Pelloutier : le grand-père Ulrich Charles Léon était avocat au barreau de Nantes, l’arrière-grand-père Ulrich Auguste était indienneur -importateur de tissus indiens- et consul général de Prusse à Nantes !
C’est dans cette ville qu’en 1892 Ferdinand, le frère ainé de Maurice, co-écrira avec Aristide Briand un opuscule « De la révolution par la grève générale », témoignage de son engagement politique auquel Maurice apportera son soutien permanent. Le grand frère sera le militant actif, débordant d’idées, mais de plus en plus atteint par la tuberculose qui l’emportera précocement dans sa 34e année, Maurice sera l’homme de l’ombre, celui qui écrit sous la dictée, qui rédige et met en forme, qui édite.

Le 5 décembre 1893, âgé de 23 ans, il se marie avec Berthe Marie Pauline Ridel, 22 ans, sans profession,« grande et belle femme également très bonne musicienne ». Son acte de mariage précise qu’il est alors employé à la Préfecture de la Seine. Les deux futurs époux habitaient à la même adresse. Ferdinand est le témoin de son frère.

Signatures des deux frères Pelloutier sur l’acte de mariage de Maurice.

 

Les carrières des deux frères seront difficiles, le militantisme qu’ils démontrent avec vigueur pouvant effrayer à cette époque. Maurice continuera sur des postes administratifs à la Préfecture. Le recueil des actes administratifs de la Préfecture de la Seine note qu’en 1900 il est « expéditionnaire de 5e classe » à la Direction des Affaires municipales, régie des propriétés communales, et qu’il est muté à la Caisse municipale.

En 1901 son frère décède. Il en écrit la biographie, ce sera son dernier acte militant, il va désormais abandonner son métier de publiciste -essayiste écrivant sur la politique- pour se consacrer à l’écriture poétique. Son passé pèse sur sa vie et il doit plusieurs fois déménager.

En 1918 il habite à Sautron, près de Nantes.

Fin 1921 Maurice Pelloutier, son épouse et son fils viennent s’installer à Rochecorbon. Pourquoi ici ? Précédemment il habitait au Creusot (Loire) et pour son livre « Terre et Ciel » il trouve un éditeur à Tours. Maurice lui a-t-il évoqué ses difficultés ? L’éditeur lui a-t-il proposé de venir dans cette calme bourgade souvent appréciée des imprimeurs et éditeurs ? C’est une forte probabilité bien que les preuves manquent.
Il est alors retraité, bénéficiant d’une allocation viagère versée depuis le 1er janvier 1917 par la Préfecture de la Seine.
Il s’installe au Petit-Mauléon, une jolie propriété à côté de la mairie, de l’autre côté de la rue du Commandant Maurice Mathieu. Maurice Pelloutier y vit avec son épouse Berthe Pelloutier née Ridel, leur fils Raymond (né en 1897, il est courtier en assurances). S’est jointe à eux Amélina Ridel, la mère de Berthe (Amélina est un surnom, ses prénoms étant Marie Françoise Henriette Léonie).
Nota : les deux frères Pelloutier avaient épousé les deux sœurs Ridel !

La famille restera à Rochecorbon jusqu’à la toute fin des années 30. Le recensement de 1936 en note toujours la présence. Je ne sais pas quand il quitte Rochecorbon, peut-être lors de l’exode de juin 1940. Il décède à Nantes le 8 novembre 1940.

Le journal municipal « La Lanterne » de janvier 1997 publie 
cette petite annonce qui n’a pas perdu de son actualité : 
je ne sais si elle avait été efficace, mais les informations 
nous sont toujours parcellaires. Néanmoins on peut
 préciser que les dates indiquées sont erronées !

Son œuvre poétique

Dès 1889, il a alors seulement 19 ans, ses textes sont appréciés et son ouvrage en prose « Secret professionnel » reçoit le 1er prix, médaille d’argent, au 3e concours de poésie de l’Athénée des Troubadours.
En 1919 il publie « Ombre et lumière » à Nantes en y associant le nom de frère décédé 18 ans plus tôt.

Au cours de sa période rochecorbonnaise Maurice Pelloutier éditera deux nouveaux ouvrages de poésie :

  • « Terre et Ciel », textes versifiés publiés à Tours chez A. Moreau en janvier 1922. Il sera réédité en 1927 chez le même imprimeur, puis repris dans une édition définitive en 1931 au « Mercure de Flandre », un éditeur lillois.
  • « Ténèbres et Clarté » en vers, publié en 1924 chez l’auteur et imprimé chez Gibert-Clarey à Tours. Cet ouvrage de 64 pages attirera l’œil des rochecorbonnais par le poème qu’il dédie à sa commune d’adoption.

Son poème sur Rochecorbon

 Quatre chapitres sont constitués :
  • Épitres et Satires
  • À travers la vie
  • Méditations
  • Mélanges
Ce dernier chapitre commence par un texte sobrement intitulé « Rochecorbon ». En voici l’intégralité :

Dominant le cours de la Loire,
Tournant le dos à l’aquilon,
Il est un bourg qui dans l’Histoire
S’acquit jadis quelque renom.
Ce bourg nanti d’un peu de gloire,
C’est le bourg de Rochecorbon.

Reçois mon salut de poète,
Beau site, un salut sans façon ;
Hélas ! ma lyre est trop pauvrette
Pour t’offrir mieux qu’une chanson.

II

Dans un récit des sombres âges,
le grand Balzac nous l’a chanté,
Ce tourangeau dont le partage
Fut la force et la vérité ;
Et rendons lui ce témoignage
Qu’il ne nous l’a pas trop vanté.

Reçois mon salut de poète,
Beau site, un salut sans façon ;
Hélas ! ma lyre est trop pauvrette
Pour t’offrir mieux qu’une chanson.

III

Parmi les beautés tourangelles,
Beautés dont le nombre est si grand,
Vieilles beautés toujours nouvelles,
S’il compte plus d’un concurrent,
Du moins, ses grâces personnelles
L’y font briller au premier rang.

Reçois mon salut de poète,
Beau site, un salut sans façon ;
Hélas ! ma lyre est trop pauvrette
Pour t’offrir mieux qu’une chanson.

IV

Un vrai bijou de la Nature,
Ce coin pittoresque et charmant
Que pare une riche verdure
Qu’il doit au ciel le plus clément,
Ce ciel dont la teinte si pure
Est pour l’œil un ravissement.

Reçois mon salut de poète,
Beau site, un salut sans façon ;
Hélas ! ma lyre est trop pauvrette
Pour t’offrir mieux qu’une chanson.

V

Joignant l’utile à l’agréable,
Il possède cet autre attrait
De produire un vin délectable,
Émule du divin Vouvray,
Et qui fait merveille à la table
De maint bourgeois très fin gourmet.

Reçois mon salut de poète,
Beau site, un salut sans façon ;
Hélas ! ma lyre est trop pauvrette
Pour t’offrir mieux qu’une chanson.

 


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