Saint-Georges-sur-Loire, une commune éphémère

C’est au cours de recherches sur un autre sujet que je me suis confronté à l’éphémère commune de Saint-Georges-sur-Loire, créée en 1790 et supprimée en 1808. Pourquoi une vie si brève ? Qu’était cette commune ? Quel était son territoire ?

Au commencement, la paroisse

Avant la Révolution  française, la France était découpée en paroisses : c’était une division qui avait commencée à être mise en place par Saint-Martin, c’est dire si elle était ancienne. Petit à petit la totalité du territoire fut maillé de paroisses, et les rois se s’appuyèrent sur ce découpage pour leur propre Administration.

 

Extrait de la carte des paroisses aux environs de Tours au XVIIe siècle. Source Gallica http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8591968s
À Saint-Georges fut donc constituée une paroisse autour de son église du XIIe siècle. C’est cette paroisse que nous retrouverons lors du déclenchement de la Révolution.
À noter toutefois que des maires pouvaient être nommés bien avant la Révolution, ce qui fut (à peu près) généralisé par l’édit royal de 1787 qui uniformisait toutes les communautés, villes et villages, en prescrivant partout l’élection du « corps de ville » par les hommes de plus de vingt-cinq ans qui payaient au moins dix livres d’impôt. Ce qui fut le cas à Rochecorbon avec l’élection du maire, ou du syndic comme on disait à cette époque, Pierre Serée. Pouvaient sièger à côté de lui deux membres non élus, le prêtre, l’abbé Sorin, et le châtelain, le seigneur de Rochecorbon, le duc de Luynes.

La création de la commune

C’est le 14 décembre 1789 que l’Assemblée constituante décréta la suppression de toutes les anciennes divisions pour créer ce qui s’appellera les Communes :
Article premier. Les municipalités actuellement existantes en chaque ville, bourg, paroisse et communauté, sous le nom d’hôtel de ville, mairie, échevinats, consulats, et généralement sous quelque titre et dénomination que ce soit, sont supprimées et abolies, et cependant les officiers municipaux actuellement en service, continueront leurs fonctions jusqu’à ce qu’ils aient été remplacés.

C’en était donc fini des paroisses de Saint-Georges-sur-Loire et Rochecorbon. Le décret se poursuit :

Article 2. Les officiers et membres des municipalités actuelles seront remplacés par voie d’élection.
Article 4. Le chef de tout corps municipal portera le nom de maire.
Article 5. Tous les citoyens actifs de chaque ville, bourg, paroisse ou communauté pourront concourir à l’élection du corps municipal.

Pour autant quelques difficultés surgirent rapidement. Les très petites communes ne pouvaient assurer efficacement, avec leurs moyens, toutes les tâches dévolues :

Article 50. Les fonctions propres au pouvoir municipal, sous la surveillance et l’inspection des assemblées administratives, sont :
– de régir les biens et revenus communs des villes, bourgs, paroisses et communautés ;
– de régler et d’acquitter celles des dépenses locales qui doivent être payées des deniers communs ;
– de diriger et faire exécuter les travaux publics qui sont à la charge de la communauté ;
– d’administrer les établissements qui appartiennent à la commune, qui sont entretenus de ses deniers, ou qui sont particulièrement destinés à l’usage des citoyens dont elle est composée ;
– de faire jouir les habitants des avantages d’une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics.
Plusieurs paroisses ont immédiatement disparu en Indre-et-Loire : Cerçay > Bridoré, Le Châtelier > Paulmy, Oizay > Bridoré, Plaix > Draché, Pont-Amboizé > Luzé, Saint-Jouin-lès-Faye > Faye-la-Vineuse, Saint-Laurent-de-Langeais > Langeais, Saint-Michel-des-Landes > Charnizay, La Taille > Saint-Nicolas-de-Bourgueil. D’autres, pourtant muées en communes, vont aussi très rapidement disparaître.

La commune de Saint-Georges-sur-Loire, mort-née

Elle fut bien créée, mais aussitôt remise en question car trop petite pour pouvoir exercer ses missions. Notamment elle n’avait pas assez de revenus pour assurer l’entretien des routes, assurer la police, etc.
Un autre exemple des difficultés rencontrées : en l’an XI (vers 1803), le Préfet (le Général Préfet) demanda la constitution de Conseils municipaux de 10 membres au moins. Trois conditions étaient précisées : ces personnes devaient habiter la commune, elles devaient savoir lire et écrire, elles ne pouvaient avoir de relations familiales entre elles. Or à cette époque, à Saint-Georges, il n’y avait que 9 personnes qui savaient lire et écrire ! Dont deux parents. Impossible d’en trouver 10 !
L’idée était vite apparue de dissoudre la commune en la rattachant à celle voisine, Sainte-Radégonde. La future limite entre les communes de Sainte-Radégonde à l’ouest et Rochecorbon à l’est s’établirait au niveau de la rue principale (l’actuelle rue Saint-Georges).

Très rapidement, dès 1790, son territoire commençait à être dépecé : la partie ouest du bourg (Les Rochettes) était transféré à Sainte-Radégonde, la partie est du bourg était transférée à Rochecorbon.

Les premières parties du territoire de Saint-Georges transférées aux autres communes. Reconstitution : Claude Mettavant 2016.

L’annonce en 1806 de la réunion, pour le culte, de Saint-Georges à Sainte-Radégonde provoqua un vif émoi : la municipalité se plaignit de l’éloignement de l’église de Sainte-Radégonde, de son insalubrité. Mais le fond du problème était bien le rattachement à Sainte-Radégonde qui se profilait. En effet, les parties de la commune de Saint-Georges les plus éloignées (La Planche, Vaudanières, la Bouchardière) ne pouvaient pas être jointes à Sainte-Radégonde mais à Rochecorbon. C’était là un autre problème de la commune de Saint-Georges : elle comprenait trois territoires qui ne se touchaient pas ! Comment gérer les chemins vicinaux ? Comment assurer la police ? Impossible.

Vue générale de la commune de Rochecorbon faisant apparaître le périmètre de l’ancienne commune de Saint-Georges,
morcelé en 3 parties comme il l’était initialement. Reconstitution : Claude Mettavant 2016.

 

La contre-proposition du Conseil municipal

Dès l’annonce de la réunion de l’église de Saint-Georges avec celle de Sainte-Radégonde, le conseil municipal de Saint-Georges écrivit au préfet pour lui demander sa fusion avec … Rochecorbon ! L’argument était simple : c’était la seule façon de conserver ensemble les trois parties de la commune, car toutes ses parties étaient mitoyennes de Rochecorbon.
La Préfecture ne donnant pas suite, le Conseil revint régulièrement à la charge, en écrivant, rencontrant le préfet, s’accordant avec Rochecorbon : pas question d’accepter la fusion/démantèlement prévue.

1808 : la délivrance !

On a coutume de dire que la disparition de Saint-Georges était due à une décision inique  napoléonienne. Et que cette décision aurait été prise au grand dam de la population.
Les Archives (communales, départementales et nationales) démontrent clairement le contraire : cette décision fut un soulagement. La disparition de Saint-Georges était devenue inévitable et commençait, par petits pans, à se mettre en place.  Le territoire de la commune se démantelait, il allait exploser. Le décret impérial du 2 février 1808 stoppait l’hémorragie en fusionnant la totalité de Saint-Georges avec Rochecorbon.
Le décret de 1808 prononçant la fusion de Saint-Georges avec Rochecorbon.
Source : Archives départementales d’Indre-et-Loire, 1M171.

 

Tout allait bien. Ou presque…

Car le démantèlement n’en était pas tout à fait terminé : une autre partie de Saint-Georges basculera sur Parçay-Meslay (le Calvaire, la Vallée des Ruers), une dernière sur Sainte-Radégonde (bord de Loire).

Aujourd’hui

Le souvenir de l’ancienne paroisse et commune de Saint-Georges-sur-Loire persiste au travers de plusieurs éléments :

– la Chapelle Saint-Georges, ancien église de la paroisse, remarquable monument classé (voyez les autres articles de ce blog),
– la rue Saint-Georges bien évidemment,
– et quelques panneaux …

Source : Google Maps.

 


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