Cet article va commencer à lever le voile sur ce personnage mal connu, notamment avec un aspect totalement inédit : il a été champignonniste à Rochecorbon !
La famille quitte peu après la Touraine au début des années 1820, probablement vers 1824.
Il fait ensuite de brillantes études, notamment au collège Stanislas de Paris, finalement récompensées par un titre d’Ingénieur civil des Mines. En 1858 le grand vulgarisateur des sciences belge, M. Jobard (1), directeur du Musée industriel de Bruxelles, dira de lui :
« un jeune chimiste, physicien, mécanicien et praticien à la fois, M. de Changy est très au courant des découvertes et des instruments nouveaux… »
(1) Son équivalent français à la même époque est Figuier qui écrit de nombreux ouvrages de vulgarisation scientifique.
S’il n’est pas facile de suivre la vie de notre personnage, c’est qu’il va progressivement simplifier son nom : il dépose ses premiers brevets sous le nom « Simonet de Changy » ou « François Charles Simonet de Changy », à partir de 1850 il le simplifie en « De Changy » ou « Charles de Changy » pour finir en supprimant la particule vers 1870 et ne plus signer que « Ch. Changy ».
Il dépose sa première demande de brevet le 28 février 1838. Il n’a que 19 ans et n’a pas encore terminé ses études, il fait ses démarches sous le nom de son père, Charles Constant ! Habitant alors à Paris, 15 rue Notre-Dame-des-Victoires dans le 2e arrondissement, il travaille sur un « système perfectionné de fonte et d’épuration des graisses, résines, huiles, etc. », probablement une centrifugeuse permettant d’éliminer rapidement les impuretés par gravité.
À Bruxelles
Ses études terminées il quitte Paris pour rejoindre sa mère (née Élisabeth Goutel-Goutelli) installée à Bruxelles. Cette période belge est féconde. Il travaille comme ingénieur des Mines de Belgique.
En 1844 il cherche un moyen d’éclairer les galeries des mines moins dangereux que les traditionnelles lampes à huile qui provoquent des coups de grisou. Il utilise de très fines baguettes de carbone (« charbon de cornue ») qu’il enferme dans des ampoules de verre. Mais la lumière émise est faible et le matériau est fragile. Ses expériences avancent bien lorsqu’il est sollicité pour un nouveau poste en Angleterre.
À Londres
En 1847 il est recruté comme ingénieur en chef des mines de Weal-Ocean et de WealRamoth. Il s’installe à Londres, Tavistock-street à Westminster.
![]() |
L’ingénieur Changy expérimentant une lampe à incandescence dans une mine. |
Cette période est plus discrète. Il doit certainement poursuivre ses recherches mais plus lentement. Par exemple je n’ai pas trouvé de brevet ou de publication concernant cette parenthèse anglaise.
Retour à Bruxelles et Paris : sa carrière anéantie par l’Académie des sciences française
Vers 1855 il revient à Bruxelles, au 617 rue du Jardin d’Idalie, auprès de sa mère en mauvaise santé : on la dit mourante mais ne décèdera qu’en fin d’année 1864 !
Dès son retour en terre belge il reprend ses expérience. L’Académie des sciences en France est informée des formidables travaux de l’ingénieur expatrié. Le physicien Henri Becquerel prend contact avec Jobard qui se retourne vers Changy. Ce dernier n’a pas finalisé ses travaux, mais il a fait une découverte de taille : « la divisibilité du courant galvanique ». Qu’est-ce donc ? En fait jusqu’à cette époque on ne savait produire de lumière avec le courant électrique qu’au travers des arcs électriques qui donnaient un point très lumineux, éblouissant. L’idée était alors de chercher à étaler la surface de la lumière émise. Ce que Changy fait en faisant briller un filament de carbone, puis un filament de platine. Mais son invention n’est pas stable, et souvent le fin fil de platine fond. N’ayant pas encore trouvé la solution, il ne souhaite pas parler de ses travaux tant que le brevet ne sera pas déposé. À cette époque il est déjà titulaire de 52 brevets.
![]() |
Première lampe à incandescence de Changy, presque grandeur nature. Au milieu, en sombre, un mince barreau de carbone. |
Le professeur Jobard, émerveillé des premiers résultats obtenus, en informe l’Académie le 17 février 1858 par une notice succincte. Le physicien Becquerel réclame quelques détails. Jobard lui répond :
« Si l’Académie, qui ne considère que l’intérêt de la science, n’a pas trouvé ma notice plus explicite, on ne doit s’en prendre qu’au défaut de garantie de la propriété des inventeurs… »
et il complète :
« Si les inventions communiquées à l’Académie valaient des brevets définitifs ou provisoires, comme celles que l’on met aux expositions officielles, l’Académie n’aurait plus à se plaindre d’aucune réticence de la part des inventeurs. »
Becquerel comprend, mais son collègue Despretz (2) est impitoyable :
« Monsieur de Changy, voulant faire de son invention un objet de lucre, ne mérite pas le nom de savant. »
(2) Quelques années plus tard, le même Figuier écrira à propos de Despretz :
« J’ai beaucoup connu Despretz, le père Mansuette comme nous l’appelions, parce qu’il s’appelait de ses prénoms César Mansuette, ce qui n’était pourtant pas sa faute. Il est mal, assurément, de médire ses professeurs mais M. Despretz -Dieu veuille avoir son âme !- était lourd comme une locomotive et épais comme le mont Blanc. C’était un paysan du Danube universitaire. Il avait une grosse tête, de gros yeux, de gros sourcils, de grosses mains, de grosses épaules, et il marchait dans de gros souliers. »
![]() |
Notoriété internationale des travaux de De Changy. |
« Votre lampe a un défaut : elle est parfaite. La lampe de Davy [lampe à huile dont la flamme est entourée d’un grillage fin pour éviter sa propagation au grisou] avertit de la présence du gaz parce que sa flamme s’allonge quand le grisou existe dans la mine. Alors, l’ouvrier, prévenu par ce phénomène, se hâte de sortir de la galerie. »
![]() |
Portrait de De Changy, vers 1860, lorsqu’il était à Bruxelles. |
À Rochecorbon
![]() |
Le Crochet, dans la rue Lebled à Rochecorbon. |
Mais les affaires marchent mal car si Changy est un ingénieur émérite il maîtrise moins la commercialisation de sa production. Dès le mois de décembre 1873, sa situation étant tendue une première réunion avec ses créanciers est organisée. Le 25 mai 1874, suite à plusieurs poursuites, il est obligé à déposer le bilan. Le Tribunal de commerce de Tours prononce alors la faillite le 24 juillet 1874.
Parmi les 35 créanciers, on peut relever :
– Barreau, Firmin & Colas, fabricant de boîtes à conserves à Nantes (1 043 francs)
– Blot Alphonse, banquier à Tours (4 500 F)
– Brédif, jardinier à Rochecorbon (215 F)
– Davenat, entrepreneur de voitures à Tours (600 F). C’est ce même Davenat qui en 1880 proposera de construire le tramway de Tours à Vouvray.
– Gautier, couvreur à Rochecorbon (1 067 F)
Sous le nom de Mme de Changy on trouve des brevets concernant des brosses et paillassons (01/12/1877), un nouveau genre de piles électriques (08/12/1881), un autre nouveau genre de piles électriques (13/06/1882), un système de bain électrolytique (03/11/1883), et des recherches concernant l’éclairage électrique telles que l’éclairage domestique (09/12/1880), un nouveau charbon pour l’éclairage électrique (09/06/1881 et 06/10/1881), l’éclairage des wagons de chemin de fer (19/10/1881), les tubes lumineux (23/12/1881), piles électriques (03/11/1883), le perfectionnement des lampes électriques à incandescence (18/02/1884) et plus tard avec probablement un de ses fils un procédé de séparation électrolytique de l’étain (10/02/1891), un système de roue à garniture élastique intérieure pour vélocipèdes (27/10/1891) et un système de préparation chimique des filaments pour lampes électriques à incandescence (03/08/1893).
On ne retrouve plus son nom après 1893. Peut-être est-il même disparu avant…
Si l’on ne connaissait pas grand chose le concernant, j’espère que cet article aura permis d’éclairer plusieurs aspects de cette personne à la vie bien méconnue.
Pour en savoir plus
Vous l’avez compris, les informations concernant Charles de Changy sont rares et extrêmement parcellaires.
– sur Gallica Figuier parle des premières recherches sur l’ampoule à incandescence.
– toujours sur Gallica les premiers brevets de Simonet de Changy.
– nouveau fin 2013 : mon article sur Wikipedia.
En 1884 Gustave Trouvé, ingénieur tourangeau né à La Haye-Descartes (aujourd'hui Descartes) proposa lui aussi une lampe à incandescence destinée aux mines. A lire les détails de sa proposition sur Gallica http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k56991143
J’aimeJ’aime