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Brevet de capacité à l’Instruction primaire élémentaire accordé à Paul Colonnier le 25 août 1842. Source Archives Départementales d’Indre-et-Loire. |
Son installation à Rochecorbon
Le 23 août 1856 Paul Colonnier est nommé à l’école communale de Rochecorbon. Il s’installe avec sa famille nombreuse : le couple aura 7 enfants (Marc, Raphaël, Marie, Hélène, Éphrem, Paul et Charles).
En tant qu’instituteur érudit et maîtrisant l’écriture il assure le secrétariat-greffe de mairie et signe les actes d’état-civil.
Trois ans après, c’est son épouse qui est nommée institutrice pour les filles.
Ils habitent dans le bâtiment de la mairie dont la majeure partie est réservée pour les logements des instituteurs. Le couple occupant le logement de l’instituteur et celui de l’institutrice, la place est suffisante pour les enfants.
L’école, qui est aujourd’hui la salle des fêtes communale, est scindée en deux : à gauche pour les filles, à droite pour les garçons.
Un instituteur compétent et créatif
Dès son arrivée à Rochecorbon il met en place un ingénieux système de notation des élèves : sur une échelle graduée il déplace un pion d’un cran vers la droite si l’élève a bien travaillé, ou d’un cran vers la gauche en cas de discipline. Le pion est noir s’il est à gauche, blanc s’il est sur la droite. Sa méthode disciplinaire fait l’objet d’un article élogieux dans le Journal des Instituteurs : « L’élève marqué doit être nommé à haute voix, et l’on doit ajouter en un ou deux mots la cause de la punition. Toute réponse de l’élève ou réclamation est interdite pendant la durée de la classe ; mais, tout le monde ayant été juge de l’opportunité de la punition, si, à la fin de la classe, quelque élève, ce qui est rare, vient donner une explication, le cas est promptement décidé. ».
Mais c’est par la publication de sa Méthode pratique pour la conjugaison des verbes réguliers et irréguliers qu’il va marquer les esprits du monde de l’éducation. Il édite à son compte 7 cahiers qui frappent par la simplicité et la clarté des explications, bien éloignés des documents existants dispensant un enseignement machinal.
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Annonce publicitaire présentant la méthode de conjugaison de Paul Colonnier. |
Le Journal des Instituteurs soutient la démarche : « Cette manière d’enseigner la conjugaison donne à l’auteur l’occasion d’exposer succinctement, mais avec netteté et précision, les principales règles de la syntaxe du verbe et du participe. Il montre ainsi en quelque sorte le verbe mis en action dans le langage, en le faisant considérer, sous ses formes multiples, dans une proposition où dans une phrase, et non plus seulement dans une sèche nomenclature, où un temps succède à un temps, un mode à un autre mode, et que l’enfant parcourt avec ennui en voyant alignée sur les pages de son livre cette longue série de temps, qu’il apprend et récite machinalement, qu’il ne peut étudier qu’avec dégoût comme quelque chose qui ne dit rien à son esprit. ».
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Vignette jointe aux livrets de conjugaison. Source : Archives départementales d’Indre-et-Loire. |
Enfin, pour citer une autre de ses innovations, dès 1856 il avait mis en place des cours pour adultes, 11 ans avant la loi du 10 avril 1867 dans laquelle le ministre de l’éducation Jean-Victor Duruy les préconisent.
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Le château de Villeseptier (écrit « Villesetier » aujourd’hui) à Rochecorbon, quelques années avant l’incendie qui le détruira le 10 septembre 1919. Collection personnelle. |
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Certificat dressé par le docteur Lebled le 27 mars 1874. La santé de Paul Colonnier lui impose une période de repos. Source : Archives départementales d’Indre-et-Loire. |
J’ai repris le titre de ce chapitre à Jean Yves Pelletier car il résume élégamment la difficile fin du couple d’instituteur.
Paul Colonnier doit se mettre en congés en 1873, et c’est son fils Marc – encore plus atteint par la même maladie que son père – qui assure l’intérim. Son épouse Marie est elle-même épuisée et commence à souffrir de problèmes de vue.
Le 27 août 1875 le couple est mis, suite à sa demande, en congés pour raison de santé.
La famille se retire alors à Saint-Symphorien. Peu après, le 7 février 1876 Marc décède, puis un an après c’est Paul lui-même qui disparaît le 13 mars 1877, et le 23 mars 1878 le deuxième fils aîné Raphaël.
Paul Colonnier fils
Le 6ème enfant du couple, Marie-Joseph Paul, né le 15 mars 1867 à Rochecorbon, et qui avait fait ses études à l’école de Rochecorbon puis au lycée Descartes de Tours quitte la France pour le Canada en 1886. C’est ce Paul Colonnier qui y sera reconnu pour sa Méthode d’élocution et de déclamation en trois volumes.
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Couverture du livre publié à Montréal par Paul Colonnier fils en 1901. |
Ces livres connaîtront un grand succès ; ils seront utilisés dans les écoles, dans les collèges et dans les pensionnats du Canada français et réédités plusieurs fois jusqu’en 1918.
Pour en savoir plus
– le site de la mairie de Rochecorbon où le lecteur pourra télécharger les bulletins municipaux : celui d’avril 2013 à propos du centenaire de la naissance de Pierre Lebled, médecin et maire, ainsi que celui d’octobre 2013 pour y découvrir l’histoire et la vie courante des écoles de la commune à cette époque.
– une situation amusante : c’est Paul Colonnier fils qui, du Canada, transmet à la Société Archéologique de Touraine des informations inédites sur la commune de Saint-Symphorien. À lire sur Gallica.
Mes remerciements renouvelés à Jean Yves Pelletier, véritable co-auteur de ce texte.