Le blason du premier seigneur de Saint-Georges

Nous sommes au début du XIIIe siècle, et pour cette période, disons-le, toutes les archives ont disparu : perdues au fil des siècles, détériorées, les survivantes ont été presque toutes brûlées à la Révolution française.

Fort heureusement, des moines tourangeaux et angevins du milieu du XVIIIe siècle avaient entrepris de recenser les documents en parchemin (chartes) encore existants dans tous les établissements religieux de leurs régions : ils les ont recopiés ou en ont donné un résumé. Ce long travail de collecte nous est parvenu, et tout récemment la Bibliothèque nationale les a mis en ligne sous le nom de Collection Anjou-Touraine, souvent connue sous le titre Collection dom Housseau du nom du moine ayant conduit ces recherches.

Nota : d’autres érudits ont effectué un travail similaire, moins complet toutefois. Notamment en 1667 Jean (Joannis) Maan publiait Sancta et Metropolita ecclesia tunonensis… Il possédait quelques vignes à Rochecorbon.

De ces milliers de feuillets recueillis, l’un nous intéresse plus particulièrement : la charte n° 8331 datée de 1228
(https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b100328797/f110). Intérêt double car ce texte concerne le premier seigneur connu de Saint-Georges et surtout parce que le moine qui l’avait consulté avait eu la bonne idée de relever le sceau seigneurial qui y avait été apposé :

Screenshot

Hugo Bocelli miles componit cum Capitulo Turoni. Anno 1228. Sigillum ejus. En français moderne : « le chevalier Hugues Boceau composant avec le Chapitre de Tours. Année 1228. Son sceau. »

Comme on le voit le texte est un extrême résumé : nous savons qu’il s’agit d’un chevalier (miles) ayant obtenu un accord avec le Chapitre de l’Église de Tours (Capitulo Turoni, l’assemblée des religieux), mais on ne connait ni l’objet du désaccord ni la solution trouvée !

Ce Hugues Boceau, nous Rochecorbonnais le connaissons par un autre texte de mars 1230, la charte n° 2668 de la même collection
(https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b100355525/f267.item), dans laquelle le seigneur de Rochecorbon, Geoffroy de Brenne (Gaufridus de Brennâ), confirmait une donation faite par son vassal (dilectus et fidelis meus, « mon bien-aimé et fidèle ») Hugues Boceau (Hugo Bocell). Or à cette époque, le seul vassal possible du seigneur de Rochecorbon ne pouvait être que le seigneur de Saint-Georges. On notera d’ailleurs que le père d’Hugues Boceau, Geoffroy Boceau, avait fait fin XIIe siècle une donation à l’abbaye de Merci-Dieu dans le Poitou de 5 sols de rente qu’il percevait sur une cave et une vigne qu’il possédaient à Saint Georges en amont de Marmoutier (Sanctum Georgium supra Majus Monasterium), il était donc déjà propriétaire de biens sur ce lieu.

Ce dernier texte de la fin XIIe siècle est la première mention historique du nom de Saint-Georges. Il n’y a pas, à notre connaissance, de texte plus ancien citant cet endroit. Contrairement à ce qui a pu être écrit ce texte ne comporte pas de mention d’une église ou d’une paroisse à Saint-Georges, mais il nous apprend que dès cette époque de la vigne était plantée entre le bord de Loire et [la chapelle] Saint-Germain (ex parte Ligeris et ex parte Sancti Germani).

Le sceau d’Hugues Boceau

Le dessin du sceau nous permet de refaire le blason de ce premier seigneur connu de Saint-Georges.

Tout d’abord il a la forme très à la mode en ce début XIIIe, appelée aujourd’hui l’écu français ancien :

Sur cet écu dont on ignore la couleur, on ajouta un semé de fleurs à quatre pétales, c’est-dire qu’à la liberté du dessinateur on remplissait l’écu de fleurs :

On ajouta ensuite une barre oblique de gauche à droite, une bande, et pour indiquer que cette bande cachait les fleurs qui étaient dessous on précisait qu’il s’agissait d’une bande brochant :

Voilà quel était le blason de la famille Boceau. Seul le plus âgé de la lignée famille avait le droit de le porter. Ce devait être le cas de Geoffroy Boceau. Son fils aîné, notre Hugues seigneur de Saint-Georges, ne pouvait l’utiliser lui aussi qu’à la condition d’y ajouter une brisure, un indice indiquant qu’il était le fils. Il choisit ce qui désignait au mieux le fils aîné destiné à succéder à son père, un lambel, barre horizontale à laquelle sont attachés des pendants. Trois précisions sont nécessaires : d’une part un lambel comporte habituellement trois pendants, il y en a cinq ici il fait donc l’indiquer, d’autre part ces pendants ont la forme utilisés à l’époque (par la suite il ont eu une forme trapézoïdale), ces sont des pendants à l’antique, enfin ce lambel recouvrait le reste de l’écu, il était surbrochant ou brochant le tout :

Le blason était donc : « un semé de fleurs à quatre pétales, une bande brochant et un lambel de cinq pendants à l’antique surbrochant« .

Après le décès de son père Geoffroy, Hugues put retirer le lambel de son blason.

En conclusion je remercie l’héraldiste Daniel Juric qui m’a aidé dans la reconstitution de ce blason. Je lui avais récemment transmis les renseignements nécessaires pour qu’il ajoute sur son site le blason de la commune de Rochecorbon
(https://armorialdefrance.fr/page_blason.php?ville=20796).


2 réflexions sur “Le blason du premier seigneur de Saint-Georges

  1. Article exceptionnel sur le blason Saint-Georges par sa qualité et sa précision historique. On reconnaît bien le travail de passionné de Claude que je félicite. Bien amicalement JPierre

    J’aime

Laisser un commentaire